Dans le prolongement, notamment, du « tournant iconique » des années 1970 en l’histoire de l’art, les institutions patrimoniales accordent une attention croissante à la collecte et à la présentation des objets et des artefacts. La manière de représenter la société dans les musées a fondamentalement changé ; l'histoire matérielle est une tendance majeure de l’histoire culturelle. Ces évolutions touchent aussi les institutions spécialisées en histoire sociale (histoire du mouvement ouvrier, des mouvements politiques et syndicaux, des mouvements sociaux), qui s’efforcent de plus en plus de conserver au mieux les objets de toutes sortes produits dans un cadre activiste et militant. Leur sauvegarde, leur collecte, leur description, leur communication, leur valorisation, leur exposition soulèvent toutefois de nombreuses questions, de même que leur étude ou l’écriture de leur histoire.
Archivistes, conservateurs de musées, bibliothécaires ou chercheurs de différentes disciplines, dans l’exercice de nos activités nous sommes désormais toutes et tous confrontés à ces sujets. En France, le projet MATOS (Mémoires, archives et transmission des objets militants) a d’ailleurs engagé depuis plusieurs mois une réflexion collective autour de ces thématique.
A l’occasion de sa prochaine conférence annuelle, l’IALHI lance donc un appel à communications, qui pourraient notamment s’articuler autour des points suivants, et des questions qu’ils soulèvent :
La définition des objets militants — Selon quels critères un objet (une tasse, une bannière, une statuette, etc.) peut-il être qualifié de « militant » ? De l’artisanat militant aux objets manufacturés en série, comment préciser le périmètre et les limites de cette catégorie ? Comment prendre en charge la question du processus de « politisation » des objets, conséquence et résultat de leur usage (voir par exemple la symbolique revendicative récemment associée aux gilets jaunes).
La collecte des objets militants — Quand (et depuis quand), comment et pourquoi des centres d’archives, des musées ou des bibliothèques collectent-ils ces objets ? Dans quelles circonstances, selon quels processus et procédures entrent-ils dans les collections ? Les politiques de collecte ont-elles évolué ces vingt dernières années ? Les collectionneurs individuels jouent-ils un rôle particulier ? Les fonds rassemblés sont-ils locaux, nationaux ou internationaux ? Comment les objets circulent-ils ?
La conservation des objets militants — Une fois collectés, comment ces objets sont-ils stockés dans nos institutions, dans des magasins peut-être pas toujours adaptés à la conservation de ces différents artefacts ? Quelles règles suivre, à quelles normes se référer, pour le stocker au mieux, de manière aussi pérenne que possible ? Comment envisager la conservation des objets qui restent encore conservés par les militants eux-mêmes (individus ou organisations), et dont la patrimonialisation n'a pas encore été engagée ? Le monde des archives et des bibliothèques n’aurait-il pas beaucoup à apprendre des professionnels de la conservation muséale ?
Le signalement et la description des objets militants — Les objets conservés dans nos collections sont-ils correctement (et exhaustivement) inventoriés ? Comment sont-ils actuellement décrits dans nos catalogues ou nos bases de données ? Les possibilités de numérisation d’objets en trois dimensions permettent-elles désormais de mieux les « montrer » ? De telles politiques doivent-elles être envisagées ? Comment documenter au mieux l’histoire de ces objets, de leur production et de leur conservation (collecte d’archives complémentaires, enregistrement d'entretiens et production d'archives orales, etc.) ? Faut-il envisager, et si oui, selon quelles procédures, des projets de description partagées et collaboratives ? Comment organiser l'échange de bonnes pratiques entre nos différentes institutions, y compris à l’échelle internationale ?
La valorisation et l’exposition des objets militants — Quelle sort les institutions patrimoniales réservent-elles aux objets qu’elles collectent ? Comment sont-ils rendus accessibles, à différents publics ? Sont-ils exposés ? Font-ils l’objet d’analyses et d’articles ? Sont-ils montrés dans des ouvrages ou des catalogues ? Comment les chercheurs qui travaillent sur les cultures militantes ou, plus largement, sur l’histoire des mouvements politiques et sociaux s’en emparent-ils ?
L’histoire de la création des objets militants (par qui, comment et pourquoi sont-ils fabriqués ?) et celle de leurs modes de production restent sans doute un peu négligées : comment contribuer à mieux les aborder ?
Les recherches sur les objets militants — Le travail sur les objets militants offre-t-il de nouvelles perspectives sur l’histoire des mobilisations politiques et sociales ? Contribue-t-il à un renouvellement des recherches sur l’histoire des cultures militantes ? Comment articuler l’étude des pratiques politiques et militantes, l’histoire de la propagande, l’histoire de l’art et des cultures populaires, etc. ? Comment penser les objets militants, en 2024, à l’ère du numérique et des mobilisations politiques en ligne et sur les réseaux sociaux ?
Les communications proposées pourront être générales ou, au contraire, présenter des initiatives très concrètes. Il est souhaité que les débats de la conférence, internationaux, permettent aussi des échanges trans-professionnels : archivistes, professionnels des musées, bibliothécaires, chercheurs, collectionneurs, militants, sont ainsi invités à répondre à notre sollicitation.
Comme habituellement, les représentants des institutions membres de l'IALHI peuvent également proposer de brèves communications (5 à 10 minutes) au sujet des ou des activités de leurs établissements. Une attention particulière sera accordée aux présentations de collections d'objets militants (ou de projets liés à ces collections, ou basés sur elles). Dans le cas de propositions de communications portant sur des activités plus générales, nous serons particulièrement attentifs à celles visant à mettre en valeur des projets originaux et innovants, menés par des collègues représentant les jeunes générations.
Lieux et date : La Contemporaine (Paris-Nanterre) et campus de l'Université de Nanterre, du 12 au 14 septembre 2024.
Modalités de soumission : Les propositions en français ou en anglais, d’une longueur maximale de 500 mots, et accompagnées d’un court curriculum vitæ (150 mots maximum), devront être envoyées à info@ialhi.org avant le 21 juin 2024.
Modalités d’organisation : La participation à la conférence est gratuite. Les frais de déplacement et d'hébergement sont à la charge des participant.e.s