Cette journée de travail souhaite partir des propositions d'une historiographie qui s'est renouvelée ces dernières années, en interrogeant notamment comment les modalités de description de la nature ont évolué, à partir du XVIIe siècle, parallèlement à la constitution des catégories de l'économie politique. Les emprunts et les transferts de vocabulaire entre des domaines alors en voie de constitution, les sciences naturelles et l'économie politique, invitent à s'interroger sur la construction et les usages d'un vocabulaire. A partir d'une série de dossiers de recherche portant sur les périodes moderne et contemporaine, la journée propose d'ouvrir chronologiquement ces observations, afin d'examiner sur le temps long la part des sciences de gouvernement dans la construction de la notion de "ressources naturelles". On cherchera ainsi à saisir comment les sociétés identifient et évaluent diversement ce qu'elles définissent comme des objets naturels. La rencontre est organisée autour de deux séries de questions, qui
prétendent moins développer l'ensemble des problématiques qu'ouvrir une réflexion commune.
Dans une Europe moderne, qui se définissait aussi par l'absence de certaines ressources métalliques, en contraste avec le nouveau monde, on voit se mettre en place des formes de description des "ressources naturelles", qui s'appuient sur la construction d'instruments et d'objets de savoirs (descriptions, enquêtes, statistiques, cartes.) et la consolidation de savoirs et de compétences en situation d'expertise, toutes deux corrélatives de l'affirmation de l'Etat moderne. De la même façon, les tentatives contemporaines de définition mondiale des réserves invitent à considérer les
échelles auxquelles se stabilisent et se négocient les principes de régulation d'accès et de valorisation des ressources. Quels sont les acteurs de ces opérations d'identification des ressources et qu'engagent-elles en termes de gouvernement territorial ?
Le "gouvernement des ressources" invite aussi à réfléchir à la dimension idéologique d'une série de thèmes, portés tant par les acteurs que par l'historiographie : les liens étroits entre richesses et puissance politique de l'Etat ; le rapport entre hommes, ressources et territoire, et leur possible équilibre. On s'interrogera sur les dynamiques de constitution et de transmission du topos qui voit dans une "bonne gestion" et une "bonne répartition" des ressources les marques d'un bon gouvernement, dont le paysage est parfois considéré comme un des indicateurs. On s'intéressera aussi à l'existence de modèles concurrents de "bon gouvernement des ressources", qui soutiennent des régimes - national, local ou international - de gestion des ressources.
Une première journée du programme « Les ressources naturelles : mesure, régulation et maîtrise » (Ecole française de Rome) s'est tenue en novembre 2004 et a été consacrée aux opérations de construction de la catégorie des
ressources naturelles.