K. Preuß: Säkularität und Pastoral bei Augustinus von Hippo

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Titel
Säkularität und Pastoral bei Augustinus von Hippo. Geschichte, Macht, Subjekt


Autor(en)
Preuß, Kai
Reihe
KLIO Beiträge zur Alten Geschichte, Beihefte Neue Folge (37)
Erschienen
Berlin 2022: de Gruyter
Anzahl Seiten
X, 386 S.
Preis
€ 139,95
Rezensiert für H-Soz-Kult von
Mohamed-Arbi Nsiri, History, Université Paris-Nanterre

Ce volume est la version révisée et abrégée d’une thèse de doctorat en Histoire ancienne soutenue en 2020 sous la direction du professeur Hartmut Leppin à l’Université Johann Wolfgang Goethe de Francfort-sur-le-Main. Le texte de ce travail ambitieux de 386 pages comporte quatre grandes sections. L’introduction (p. 1–10), qui pose les grandes problématiques du livre, rappelle que la méthodologie suivie s’inscrit dans la continuité de celle forgée par l’historien Robert Markus qui a été le premier à explorer en détail la question du saeculum chez Augustin, donnant ainsi un nouvel élan aux recherches augustiniennes.1 Le chapitre premier (p. 11–44) s’ouvre par une mise au point terminologique rappelant que la Säkularität ; au sens utilisé dans ce travail, n’a rien à voir avec la rationalité normative du terme dans son sens moderne. L’auteur souligne par la suite qu’Augustin aurait surtout défini la Säkularität comme l’espace du chevauchement des deux cités céleste et terrestre, jetant ainsi les bases d’une représentation du politique comme espace autonome, neutre et pluraliste. Les pages qui suivent engagent une définition de la Pastoralmacht présentée comme un dispositif de pouvoir, dont l’auteur rappelle que Foucault souligne à plusieurs reprises la singularité (p. 36–44).2

Le deuxième chapitre (p. 45–137), loin d’être le plus étendu, est consacré à un examen minutieux de la philosophie augustinienne de l’histoire et son rapport à la Säkularität. L’auteur se confine tout d’abord aux cinq premiers livres de la Cité de Dieu qui sont les plus marqués d’événements contemporains, en particulier le sac de Rome en août 410 par les Wisigoths d’Alaric. Cet événement représente à ses yeux un moment central pour une meilleure compréhension de la philosophie de l’histoire chez Augustin. Il rappelle par la suite que le mérite de l’évêque d’Hippone est d’avoir clarifié les relations ambiguës entre le christianisme et l’ordre temporel et surtout d’avoir différencier la dimension politique du pouvoir impérial romain de sa dimension religieuse. Ce chapitre plaide pour démontrer que la compréhension qu’Augustin a de l’histoire appartient aussi au seul cadre théologique. Cette section détaillée et bien écrite, contribue non seulement à se rapprocher d’Augustin le penseur, mais encore à se s’approcher de la mentalité des élites tardo-antiques. Il n’en reste pas moins que certaines affirmations demandent à être nuancées. En effet, en abordant l’histoire comme sujet de réflexion théologico-philosophique, Augustin a sans doute davantage l’âme d’un enseignant. Sa préoccupation est avant tout la transmission, et donc vise la clarté et l’attrait à la fois dans l’élocution bien sûr, mais aussi dans le choix des connaissances historiques utiles à ces interlocuteurs connus ou anonymes. Pour atteindre son objectif, Augustin sélectionne les données historiques qui lui semblent les plus appropriées à son discours. Sa méthode est en cela plus proche de celle d’un pédagogue qui ne vise pas à l’exhaustivité que de celle d’un historien.3

Le troisième chapitre traite la question des appartenances et de leurs conflits dans la perspective pastorale d’Augustin (p. 139–217). L’auteur démontre que la Säkularität formelle, découplée de sa connotation politique, peut se voir liée à un éventail de phénomènes beaucoup plus large qui nécessitent d’aller au-delà de la Cité de Dieu, car dans la pensée de l’évêque d’Hippone, l’auto-distinction du religieux s’étend à différents niveaux de la société, voire dans une certaine mesure à l’individu lui-même. À travers ce chapitre, l’auteur a voulu démontrer que la Säkularität joue un rôle majeur dans le message pastoral d’Augustin à destination des fidèles. Le recours au dualisme Säkularität/Politik (p. 139–145) sert également à élargir l’analyse historique de la stratégie pastorale de l’évêque d’Hippone. En outre, ce chapitre précise que les distinctions théologiques qui, compte tenu de la polarité eschatologique du salut et du désastre, semblent plutôt statiques, sont très dynamiques et ne se situent pas en dehors des conflits sociaux, illustrés par l’exemple de la famille, ou plus précisément, par la relation entre l’individu et la famille. L’auteur traite par la suite la question de la conscience, un sujet qui est abordé par Augustin à propos du viol des vierges consacrées lors du sac de Rome (p. 167–174). Ainsi le débat engagé dans cette partie du livre autour de la famille et de la conscience a finalement transformé la question de la Säkularität en une question d’identités, ce qui touche à un concept clé qui a donné une impulsion importante à l’étude des conflits religieux dans l’Antiquité tardive.

Le quatrième et le dernier chapitre est consacré à des réflexions sur les rapports entre la religion et le pouvoir à partir des lettres envoyées par Augustin à divers représentants de l’administration impériale (p. 219–340). L’objectif de ces cent-vingt-et-une pages d’analyse est d’appréhender comment Augustin conçoit l’accès à ses interlocuteurs ; ce qui se fait essentiellement à travers un processus qualifié de pastorale Erschließung. L’auteur souligne par la suite qu’en dépit des efforts de l’évêque d’Hippone pour instaurer des relations sur un autre mode – directeur spirituel plutôt que lettré, amicitia fondée sur la commune appartenance à l’Église plutôt que solidarité de rang social – les correspondants d’Augustin voient d’autant plus volontiers en lui l’évêque qu’ils reconnaissent d’abord comme l’un des leurs. Augustin se révèle aussi clairement conscient d’être une personne privée et bien éloigné de penser pouvoir faire prévaloir l’autorité morale de l’évêque sur l’autorité civile des magistrats.

L’ouvrage s’achève par une brève conclusion (p. 341–349), suivi d’une bibliographie copieuse bien qu’incomplète (p. 352–384) et d’un index nominum (p. 385–386). S’inscrivant dans la tradition allemande de la Quellenforschung, l’ouvrage ici présenté contribue à la contextualisation historique de l’idée de la Säkularität en abordant les limites de la religion dans la société romaine tardo-antique à partir de l’exemple d’Augustin d’Hippone.

Notes:
1 R. Markus, Saeculum. History and Society in the Theology of St Augustine, Cambridge 1970.
2 Il faut signaler que l’auteur n’avait accès aux livres de Foucault que par la médiation des traductions anglaises. Évidemment, le monde anglophone a produit le plus grand nombre de traductions de Foucault, et le philosophe lui-même a engagé tout au long de sa vie un dialogue particulièrement étroit avec ceux et celles qui l’ont traduit en anglais. Mais le choix de l’auteur pose ici un problème méthodologique, surtout en ce qui concerne l’équivalence supposée de certains concepts opératoires et thématiques. L’auteur a dû donc effectuer des recherches en profondeur, à partir des versions françaises de l’œuvre de Foucault, afin d’éviter quelques sobriétés de concepts et/ou de notions utilisés dans son livre.
3 Cf. H. Inglebert, Les Romains chrétiens face à l’Histoire de Rome. Histoire, christianisme et romanités en Occident dans l’Antiquité tardive (IIIe–Ve siècles), Paris, 1996, p. 408–419.

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