Les migrations des travailleur-euse-s ont profondément marqué les sociétés européennes après la Seconde guerre mondiale. Dans le contexte d’une soif insatiable de main-d'œuvre au service de la reconstruction économique, la mobilité des tra-vailleur-euse-s des pays du Sud vers les pays industrialisés du Nord constitue un „nouveau régime de migration intra-européenne“ (Dirk Hoerder) qui, jusque dans les années 1970, mobilise environ 15 millions de personnes de la région (euro-) méditerranéenne (Italie, Espagne, Portugal, Turquie, Tunisie, Grèce, (Ex-) Yougo-slavie, etc…) vers les centres industriels du nord de l’Europe. Le terme même de „migration“ fait alors son apparition dans le discours. Malgré la fin d’une politique de recrutement active après le choc pétrolier en 1973, un système de migration constitué par les travailleur-euse-s immigré-e-s (Guestworkers / Gastarbeiter:innen) perdure encore jusqu’à la fin des années 1980.
Si certains éléments de ce que Peter Gatrell a appelé „The unsettling of Europe“ ont été étudiés pour des contextes divers et précis, les situations sociales des tra-vailleur-euse-s, et particulièrement leur vie familiale, ont longtemps été négligées par l’histoire des migrations. A une sociologie débordante du „travailleur immi-gré“ depuis les années 1970 s’oppose ainsi une historiographie limitée. Cette réti-cence s’explique entre autres par l’absence de sources. La difficulté est d'autant plus grande lorsqu’il s’agit des recherches qui portent sur les regroupements fami-liaux non-autorisés et à d’autres stratégies par lesquelles les personnes concer-nées ont tenté de maintenir un lien familial. Les archives officielles sont silen-cieuses concernant les placements des enfants dans des orphelinats ou les expul-sions d’enfants sans statut légal (tantôt raccompagnés par leur mère, tantôt élevés par des membres de la famille au pays). Les archives restent également muettes sur les enfants qui ont vécu, parfois pendant des années, clandestinement et par-fois cachés dans le pays d’accueil. Cependant, un ensemble d’outils plus (ou moins) récents permet d'explorer cette histoire, parmi lesquelles l’histoire orale, la sociologie des mobilisations, la socio-histoire des migrations, des approches genre ou encore le paradigme du transnationalism (Green / Waldinger).
En invitant des contributions venant d’horizons disciplinaires divers, la conférence „L’Europe des migrations“ a pour but d’éclairer les liens entre la famille, l’enfance et la clandestinité dans le contexte des migrations de travail entre la Seconde guerre mondiale et la fin de la Guerre froide (césure qui, quant à elle, s’ouvre à d’autres types de migration de travail, plutôt en marge de cette conférence). Dans le contexte de notre propre activité de recherche sur le cas suisse, nous visons à mettre en réseau des chercheur-euse-s qui étudient des cadres nationaux divers dans une perspective critique de la période dite des „Trente glorieuses“, „mi-racle years“, „Wirtschaftswunderjahre“, à réunir des regards disciplinaires mul-tiples et à développer une sensibilité pour des perspectives transnationales, voire comparatistes.
Nous envisageons la préparation d’un livre collectif à l’issue de la conférence. Les présentations peuvent ainsi avoir le caractère d’un „work in progress“ dans l’optique d’une publication courant 2023 (délai pour auteur.e.s: 31 décembre 2022). Les contributions inédites seront privilégiées.
Nous invitons des contributions qui s’intéressent particulièrement:
- Au cadre juridico-politique des migrations de travail et du regroupement fa-milial et de son développement depuis la fin de la Seconde guerre mondiale jusqu’aux années 1990;
- Aux stratégies des familles des travailleur-euse-s immigré-e-s, pour réaliser une vie familiale sous les conditions dictées par un régime migratoire qui vise à limiter, voire empêcher le regroupement familial;
- Aux expériences des enfants migrant-e-s (et de leurs parents), surtout dans l’optique de la clandestinité (passage de frontière clandestin, séjour clandes-tin, mais aussi mobilités fréquentes pour éviter la clandestinité, menaces, dénonciation); aux trajectoires des enfants touchés, à un moment ou l’autre, par la clandestinité; aux conséquences multiples, physiques et psychiques, de la clandestinité;
- À la scolarisation des enfants migrants, avec une attention particulière sur les enfants clandestins, qui, pour le cas de la Suisse, obtiennent le doit d’aller à l’école au début des années 1990. Qu’en est-il dans d’autres pays?;
- Aux rapports sociaux de genre sous les conditions de la migration, du regroupement familial et de la clandestinité;
- Aux mobilisations en faveur des droits des travailleur-euse-s immigré-e-s et surtout des enfants, mobilisations portées par exemple par les syndicats, les églises ou encore par les associations de migrant-e-s; à l’impact de la convention des Nations-Unies pour les droits de l’enfant de 1989.
Merci d’envoyer une proposition d’environ 3.000 signes d’ici au 29 avril 2022 à l’adresse suivante: marie2.bouvier@unine.ch.
Informations à communiquer avec la proposition: Prénoms et nom, affiliation institutionnelle; adresse postale et email; 5 mots-clés; domaine de recherche. La réponse concernant votre proposition vous sera communiquée au plus tard le 30 mai 2022.
Langues de la conférence: français, anglais, allemand / – de la publication: anglais.