Après avoir exploré plusieurs aspects historiographiques et méthodologiques de l’étude de l’espace méditerranéen, le groupe de recherche FranceMed ("La France et la Méditerranée : Espace de transferts culturels"), organise son deuxième atelier autour des "Acteurs des transferts culturels en Méditerranée médiévale" dans le cadre des activités de l’Institut historique allemand de Paris.
En effet, la connaissance des processus de transferts culturels en Méditerranée médiévale souffre encore d’une nette disparité dans l’intérêt accordé à ses multiples protagonistes. Face à une abondance des travaux sur les hommes du pouvoir, les marchands, les voyageurs, nombre d’autres acteurs restent encore dans l’ombre.
Or, une meilleure intelligibilité de l’extrême diversité des situations de transfert culturel nous incite à interroger l’apport et la contribution, dans cette dynamique, des différents acteurs impliqués. Le groupe FranceMed se propose ainsi de mener une réflexion sur les acteurs des transferts culturels en Méditerranée médiévale. Le terme "acteur" recouvre ici toute personne, institution ou collectivité jouant un rôle dans un moment ou un autre d’un processus de transfert culturel. Il englobe de la sorte, ceux qui agissent volontairement ou involontairement, dans l’objectif d’émettre, de transmettre, de traduire, d’accommoder, de s’approprier ou de rejeter un bien culturel émanant d’un Autre dont les déterminants socio-culturels et identitaires peuvent varier.
La nécessité de dépasser les contingences historiographiques qu’impose l’étude de domaines variables (économiques, politiques, religieux, idéologiques, techniques, scientifiques, intellectuels…), motive notre questionnement. Notre objectif, à travers la confrontation de cas très variés, est de déceler la diversité des processus de transfert culturel en fonction de la nature des contacts (échange pacifique ou moments d’opposition idéologique et militaire) et des contextes étudiés (sociétés de frontière ; groupes minoritaires…). Les motivations, déclarées ou sous-jacentes, des acteurs méritent d’être discutées, non seulement pour distinguer les initiatives volontaires des transferts involontaires, mais surtout pour déterminer leur place dans l’identification et la construction de l’image de l’Autre.
Tout en privilégiant des cas jusque-là marginalisés, plusieurs catégories d’acteurs seront évoquées. Il s’agira à titre d’exemple :
- D’abord de celles relevant des sphères du politique, englobant les pouvoirs et les institutions, agissant pour affermir une situation géopolitique face à des forces concurrentes, ou encore faisant appel à l’expérience de l’Autre, notamment pour consolider localement les assises administratives, juridiques ou symboliques de leur autorité.
C’est par le truchement des diplomates et des interprètes, que se déroule la négociation entre les différents pouvoirs. Leurs procédés, mais aussi la singularité de leur position de médiation, méritent d’être étudiés.
- Les minorités, communautés ethniques, linguistiques ou religieuses prises dans les rets de territoires continuellement en remodelage, sont des vecteurs privilégiés de transfert culturel. Elles adoptent, adaptent et véhiculent les éléments de la culture majoritaire à laquelle elles sont directement exposées, mais s’impliquent également dans des stratégies propres d’identification.
- La circulation des hommes, d’une manière ponctuelle ou permanente, est également une opportunité de contact et de transferts de tout genre. Voyageurs et pèlerins participent à la construction et la diffusion d’une image de l’Autre, que des diasporas commerciales ou des migrants forcés (captifs, réfugiés) côtoient d’une manière beaucoup plus permanente. Enfin, des intermédiaires discrets ou clandestins (pirates, brigands, contrebandiers, alfequeques…) assurent des formes diverses de négociations entre les contextes socio-culturels les plus variés.
- Véhiculant les objets et les savoir-faire de tout genre, des commerçants, artisans et ingénieurs contribuent sensiblement à la diffusion des biens matériels ou de leurs techniques de mise en œuvre. Souvent peu visibles dans une documentation reflétant une hiérarchisation des connaissances en faveur de la production intellectuelle, ils gagnent à être connus en tant qu’individus ou groupes agissant dans le sens d’une circulation et d’une rencontre permanente entre les hommes et leurs expériences variables.
- Enfin, les intellectuels, et tous ceux qui travaillent dans leur ombre (traducteurs, copistes …), méritent d’être interrogés en tant que catégorie sociale dont le rôle comme acteur des transferts culturels, vient répondre à des attentes sociales, politiques, intellectuelles ou idéologiques.
Au travers des différents exemples qui seront traités, l’accent sera également mis sur les difficultés d’approche des différentes catégories d’acteurs, tout en variant les formes d’écriture historique, des études biographiques à la sociographie de groupes, en passant par l’analyse des faits institutionnels.