Après que la rébellion ait longtemps été considérée comme un soulèvement quasi « national » de la Gaule pour se libérer de la domination romaine (Mommsen, Jullian, Thévenot, et al.), les causes économiques et financières sont passées au premier plan dans l’interprétation depuis une analyse d’Albert Grenier (1936). Selon l’opinion généralement admise aujourd’hui, les meneurs, eux-mêmes citoyens romains, ne voulaient en aucun cas gagner leur liberté de Rome, mais protester contre la surcharge et l’arbitraire de l’État. Le conflit portait plutôt sur la « répartition politique et économique du pouvoir au sein de la civitas » et, surtout, sur des motifs « personnels » (Urban 1999 : 43 f.). Les événements sont même rejetés comme un « regrettable accident de travail » (Herz 1992 : 93).
Comme la révolte n’est décrite en détail que dans Tacite, des tentatives répétées ont été faites pour remettre en question sa crédibilité, en tenant compte notamment de sa topique et de sa rhétorique ainsi que de l’intention de l’auteur (plus récemment, par ex., Poulsen 2018; van Broeck 2017; Grant Couper 2016; Woolf 2011 ; Hausmann 2009 ; Gerlinger 2008). Une autre approche consiste à exploiter d’autres sources pour l’évaluation des événements. Ces dernières années, cette discussion a donné lieu à des propositions plus avancées. Jared Kreiner (2021), par exemple, a réévalué la charge fiscale de l’arrière-pays gaulois à la suite des campagnes germaniques, avec le résultat que les chefs de tribus gauloises « ont probablement pesé leurs options et déterminé que le jeu n’en valait pas la chandelle, ou bien certains attendaient simplement de voir si ces rebelles allaient réussir avant de les rejoindre éventuellement” (MS p. 33). Cela donnerait beaucoup plus de poids au danger latent de la rébellion. La thèse d’Emmanuel Arbabe (2017 ; 2015), qui trouve un appui dans le témoin contemporain Velleius Paterculus, va également dans la même direction : Sacrovir, en tant que princeps Galliarum, avait assumé un rôle plus important dans le contexte de l’assemblé provinciale de Lyon que ce qu’on lui accorde habituellement. Raisons suffisantes, donc, pour se pencher à nouveau sur le sujet.
Nous aimerions aborder la discussion sur la rébellion de 21 ap. J.-C. avec trois questions en tête. Tout d’abord, nous nous intéressons à la reconstruction des événements historiques et, dans ce contexte, aux problèmes de la critique des sources, de la topique et de la rhétorique, de la fiabilité et de la crédibilité des sources, notamment de notre « témoin principal » Tacite.
Deuxièmement, nous voulons inclure le débat sur l’Arc d’Orange, traditionnellement daté de l’époque de Tibère, mais aujourd’hui placé à l’époque d’Auguste et dont on dit qu’il n’a été restauré ou reconsacré que sous le règne de son successeur (Stilp 2017 ; Fellague 2016). Sur l’un des reliefs des armes gauloises, on peut lire le nom Sacrovir(us). La question reste posée de savoir s’il s’agit d’une référence au rebelle de 21 ap. J.-C., même si, par exemple, PIR² VII 268 note que « certe non ad eum pertinet t[itulus] clupei alicuius arcus Arausione errecti [CIL] XII 1231 (Sacrovir) ». D’autres preuves épigraphiques, onomastiques et archéologiques apportent un éclairage supplémentaire (par ex., Hartmann 2017).
Et troisièmement, les raisons de la révolte devraient être remises en question et les événements replacés dans un contexte culturel et historique plus large. Les raisons financières mentionnées par Tacite ont-elles été déterminantes ? Ou s’agissait-il d’une tentative de coup d’État par deux leaders ambitieux ? Quelle était la relation entre la rébellion et la romanisation qui progressait rapidement ? S’agissait-il d’une opposition fondamentale ou d’un simple différend sur la manière de procéder ? Cela pourrait également susciter une discussion sur la mesure dans laquelle la “Roman Object Revolution” (Pitts 2019), incontestablement démontrable, a également façonné la culture intellectuelle, ou si nous devrions éventuellement nous attendre à une plus grande résilience des traditions préromaines.
Si vous souhaitez contribuer à notre conférence par une présentation de 20 minutes, qui sera suivie d’une discussion, nous vous demandons de nous envoyer un résumé de 100–200 mots en français, anglais, ou allemand avant le 31 août 2021. Veuillez envoyer votre résumé par e-mail à l’adresse sacrovir@histkelt.de. La réunion se tiendra en tout cas en ligne, quelle que soit l’évolution de la pandémie.