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Titel
Banken im Sturm. Die Politisierung des Schweizer Finanzplatzes in den 1970er- und 80er-Jahren


Autor(en)
Tobler, Lukas
Erschienen
Zürich 2021: Chronos Verlag
Anzahl Seiten
276 S.
Preis
CHF 48.00; € 48,00
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Pietro Nosetti, Liceo cantonale di Locarno

La publication de Lucas Tobler, résultat d’une thèse de doctorat soutenue à l’Université de Lucerne, porte sur les années 1970 et 1980, deux décennies riches en évènements pour la place financière suisse. La fin du système de Bretton Woods avec le passage à un système monétaire international fondé sur les taux de change flexibles, le début de la vague de libéralisation économique et financière, les crises pétrolières et la stagflation économique, ainsi que les ferments sociaux et culturels qui s’enflamment dès 1968, constituent la toile de fond des nouveaux défis auxquels la place financière suisse doit faire face. Autant de circonstances qui poussent le secteur bancaire à réagir. La période est caractérisée par une intensification des relations avec le milieu politique et les institutions, et la mise en place d’une stratégie de communication qui vise à endiguer l’opinion publique, à soigner l’image du secteur et, bien entendu, à défendre les intérêts des banques.

Il s’agit d’une période relativement récente et qui mérite d’être étudiée par les chercheurs qui s’occupent de l’histoire des banques suisses et que l’auteur aborde avec rigueur en intégrant références bibliographiques et sources d’archives, notamment celles de l’Association Suisse des Banquiers (ASB) et celles de IB Farner Consulting, société qui a conseillé l’ASB dans l’élaboration et la mise en œuvre de sa stratégie de communication.

Le premier chapitre résume l’évolution et l’expansion internationale du secteur bancaire suisse depuis le début du XXe siècle. Le deuxième chapitre détaille l’émergence de critiques au niveau national et international. Les critiques portent sur le secret bancaire et le rôle des banques suisses dans l’accueil de capitaux en fuite pour échapper à l’imposition fiscale, ou ceux des potentats en provenance des pays du Sud, et dénoncent en parallèle le pouvoir économique et politique du milieu financier. Les cinq chapitres qui suivent sont tous centrés sur des études de cas et peuvent être lus séparément : le scandale qui éclate en 1977 suite à l’affaire Texon autour de la filiale de Chiasso du Crédit Suisse (chapitre 3), les projets de révision de la loi sur les banques, l’initiative fédérale lancée par le Parti Socialiste Suisse en 1978 contre l’abus du secret bancaire et de la puissance des banques, et l’élaboration de la Loi fédérale sur l’entraide internationale en matière pénale de 1981 (chapitre 4), la crise de la dette des pays du Sud des années 1980 (chapitre 5), les relations financières entre la Suisse et l’Afrique du Sud (chapitre 6), et les adaptations législatives dans le contexte de la déréglementation financière des années 1980, comme celles pour lutter contre l’insider trading et abolir les cartels des banques (chapitre 7). Le dernier chapitre vise à établir un fil rouge qui unifie l’ouvrage et, tout en ouvrant sur les périodes suivantes, fait aussi état de conclusion (chapitre 8).

La thèse qui traverse l’ouvrage est celle d’un secteur bancaire confronté à une vague de pressions et de scandales («Skandalisierung»), dont l’affaire de Chiasso, très périlleuse et médiatisée, est emblématique (même si elle n’est pas la seule). Cela pousse les banques, souvent par intermédiaire de l’ASB mais parfois aussi des grandes banques, à réagir afin de sauvegarder les intérêts de la branche, à la fois sur le plan politique, notamment auprès du gouvernement et du parlement fédéral, et dans la sphère publique, avec des stratégies de communication. En d’autres termes, les banques sont poussées à se politiser («Politisierung») pour défendre leurs positions, d’où une activité systématique de lobbying et de communication adaptée aux différents cas. Les banques cherchent activement des solutions pour faire face aux différents défis qui se présentent, comme l’illustre par exemple l’élaboration de la première Convention de diligence en 1978. Les campagnes de communication qui visent à redorer l’image du secteur et souligner son importance économique en termes d’emploi, de financement pour les entreprises, et de ressources fiscales, s’inscrivent dans une même stratégie de défense et d’attaque. A l’échelle nationale, les critiques majeures ont émergé des mouvements de gauche, tiers-mondistes, et des organisations religieuses. L’accent en faveur du système libéral, au centre de la stratégie de communication des banques lors du débat sur l’initiative contre le secret bancaire de 1984, trouve un terrain fertile auprès des partis bourgeois, mais aussi de la population, qui amènera à la victoire en votation populaire. Un tournant et une légitimation, non sans conséquences, pour la place financière suisse.

Quels sont les apports du livre ? Tout d’abord le livre permet, par une approche historique fondée, de dépasser les chroniques journalistiques, pamphlets, ou publications d’anniversaire qui ont déjà, en partie, couvert cette période. De plus, l’auteur est conscient des confrontations idéologiques qui ont marqué les débats au temps des faits et qui, parfois, résonnent encore dans certains travaux d’historiens. Il en résulte, à juste titre, l’image d’un secteur bancaire qui est loin de détenir un pouvoir sans limites et qui commet parfois des erreurs. Certes, l’ASB et les grandes banques disposent de nombreux atouts, comme le poids économique du secteur, ses réseaux d’influences, sa proximité avec les partis bourgeois, son accès direct au gouvernement fédéral, ses ressources financières et ses compétences juridiques, qui expliquent pourquoi les efforts des banques ont été le plus souvent couronnés de succès, notamment lors du rejet de l’initiative contre le secret bancaire. Et cela malgré le fait qu’au plan national, le milieu bancaire a dû se confronter avec d’autres acteurs, comme la Commission des cartels, la Banque nationale suisse ou la Commission fédérale des banques.

Sur le plan international les résultats sont plus mitigés. En effet, les moyens dont le secteur dispose ne sont pas une garantie de succès, d’autant plus si les pressions proviennent de pays comme les États-Unis, comme dans le dossier sur l’insider trading. Cela se vérifiera également bien plus tard, après la crise de 2008, quand les banques suisses devront accepter l’échange automatique d’information avec les autorités fiscales de nombreux pays tiers.

Au niveau de la forme, l’auteur présente chaque argument de façon structurée et synthétique, dans un langage accessible, tout en s’appuyant sur les références bibliographiques à disposition. Cela permet au lecteur de suivre aisément le déroulement des évènements et d’en comprendre les enjeux. On notera que le récit met davantage en lumière les organisations que les personnalités qui les animent, même si celles-ci apparaissent parfois, comme par exemple Helmut Hubacher du Parti Socialiste ou Markus Lusser du côté de l’ASB. Remarquons aussi que le secteur bancaire est souvent présenté comme une entité monolithique, alors que la diversité interne entre les grandes banques, les banques cantonales (en mains publiques), les banques étrangères (en forte progression à cette époque), les banquiers privés et les banques régionales mériterait d’être sondée davantage. Pour cela il faudrait cependant un accès aux archives bancaires plus étendu de celui que le secteur privé accorde habituellement aux historiens.

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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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