Aujourd’hui plus que jamais, plus que tout autre art, la Bande dessinée suscite des flots de discours : c’est à qui veut la définir, la défendre, la conspuer, l’analyser, la démystifier, la célébrer, etc. Aucun propos ne semble illégitime, l’objet est si peu intimidant, si commun, que tout le monde a son mot à dire : journalistes, spécialistes, simples fans, amateurs éclairés (ou pas), savants en goguette, experts de la « culture de masse » et même les auteurs, jadis si peu loquaces.

Labyrinthe a tenté d’y voir plus clair. D’emblée, fut exclue l’hypothèse d’un numéro « détente », plein d’humour et d’air frais (« c’est tellement sympa, la bédé… ») : pas question donc de parler de bandes dessinées par plaisir nostalgique ou passion régressive. Pas question non plus, pour des raisons qui tiennent au projet même de la revue, d’adopter la langue du spécialiste, celle du savant qui applique son approche (histoire, psychanalyse, sémiologie, etc.) à l’objet bande dessinée ainsi investi, ou bien de celui qui tente d’élaborer une démarche parfaitement adéquate au dit objet.

À travers l’analyse d’auteurs comme Gipi, Moore & Gibbons, Boilet, Neaud, Dupuy-Berberian, David B., etc., l’ambition est ici plutôt de prêter l’oreille, au milieu de ce brouhaha, à une voix risquant d’être recouverte par toutes les autres, celle de la Bande dessinée elle-même, qui dit et montre le monde comme nul autre.

Au final, les lumières projetées sur la BD par les articles de ce numéro font apparaître dans leur plus grande clarté des vérités souvent inaperçues et négligées jusqu’ici.